Ce site Internet a été conçu pour promouvoir une lettre destinée à la Ministre de l’Éducation, du Loisir et des Sports du Québec, Madame Line Beauchamp. On y traite de la situation des enseignants spécialistes québécois. Les médias font souvent état des ratés de la Réforme de l’éducation ou des revendications ciblant plus particulièrement les enseignants titulaires de classe, mais l’on s’attarde trop peu aux attentes des enseignants spécialistes, qui sont pourtant une richesse pour les générations futures.

 

Cet écrit a plusieurs visées. D’abord, il tient à informer la population d’une situation à décrier, pose des questions et cherche des solutions pour remédier à la situation. Il a été écrit par un enseignant en art dramatique, en collaboration avec des gens de tous horizons oeuvrant dans le domaine de l’éducation.

 

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Merci!

 

Guillaume Normandeau

 

 

 

Mai, 2011

 

Madame Line Beauchamp

 

Ministre de l’Éducation, du Loisir et des Sports

 

5879, boul. Henri-Bourassa Est
Bureau 305
Montréal-Nord (Québec) H1G 2V1

 

 

 

Chère Madame la ministre,

 

Je vous écris aujourd’hui  pour vous faire part de la situation des enseignants spécialistes au Québec.  Je relèverai plusieurs irrégularités et incongruités dans la gestion de notre dossier, mais tenterai également de vous proposer quelques solutions pour améliorer nos conditions de travail.

 

La société québécoise a pris un pari : celui d’inclure les arts, l’éducation physique et l’anglais au sein de l’éducation des enfants.  Pourquoi? Parce que les Québécois et Québécoises ont jugé qu’un enfant devait apprendre à développer toutes les facettes de sa personnalité, à être ouvert sur le monde et à se définir en tant que personne à travers l’instruction. Certes, les matières scolaires de base telles que le français et les mathématiques se doivent de demeurer la priorité de l’enseignement scolaire, mais si nous avons choisi d’inclure d’autres matières à l’horaire des enfants, pourquoi ceux qui ont choisi de les enseigner sont-ils traités avec si peu de considération? Nous savons tous que les matières dispensées par les spécialistes permettent parfois de garder nos jeunes sur les bancs d’écoles en leur proposant d’apprendre d’une façon différente. Les élèves peuvent ainsi développer leurs différents talents et leurs aptitudes sociales.

 

 Alors comment expliquer, Madame la ministre,  qu’il faille parfois que trois groupes de 25 élèves au primaire jouent, en même temps, dans un minuscule gymnase afin que tous puissent en bénéficier, et ce, à raison de deux heures par semaine?

 

Comment justifier que dans plusieurs écoles, l’enseignement des arts soit donné par un titulaire? Plusieurs d’entre eux tentent du mieux qu’ils peuvent d’être compétents, mais ils n’ont tout simplement pas reçu la formation pour les enseigner. Je ne confierais pas la réparation de ma voiture à quelqu’un qui sait réparer les vélos… Les champs d’enseignement n’étant pas toujours protégés; les enseignants de danse, d’art dramatique, d’espagnol et de technologie peuvent, d’une commission scolaire à l’autre, tous se retrouver dans le même champ. On le nomme simplement : « Autre ». C’est comme si nous étions déjà condamnés à faire partie d’une catégorie à part : les indésirables, ceux que l’on met à l’écart.

 

Comment se fait-il qu’il n’y ait souvent pas de local de spécialistes qui soit adapté dans nos écoles? Apprendre la danse dans une salle de classe, alors que les élèves de la classe voisine sont plongés au cœur d’une évaluation, relève du non-sens. Un local de service de garde, une cafétéria ou une bibliothèque ne sont pas non plus des endroits appropriés pour enseigner les rythmes, les percussions et le xylophone. Comment enseigner et évaluer adéquatement un programme prescrit par le ministère de l’éducation alors que nous ne disposons même pas d’un local et de conditions adéquates pour le faire? Je veux bien enseigner le théâtre d’ombres, mais entre 28 pupitres, en 60 minutes, c’est une mission impossible. Nous devons tous plus ou moins contourner la loi, selon nos conditions de travail, afin d’évaluer les élèves avec rigueur et discernement.

 

Pourquoi un enseignant d’arts ou d’anglais au primaire, doit-il, en général, enseigner à 22 groupes s’il ne les voit qu’une seule fois par semaine? De plus, il doit parfois le faire dans 2, 3 ou même 4 écoles différentes. Difficile dans ces conditions d’établir un lien d’appartenance envers l’école qui nous embauche ou les élèves qui la fréquentent. Le suivi avec les élèves est extrêmement difficile, l’attachement enseignant-élève, la gestion de classe et la communication avec les parents s’en voient affectés. Saviez-vous que ce sont également les enseignants titulaires qui décident des arts vus au niveau primaire? Ainsi, après 15 ans dans une école, un enseignant spécialiste peut être chassé par les membres de l'équipe-école pour un simple changement, pour une envie de variété. Il faut voir à offrir une plus grande stabilité à ces enseignants.

 

Les modifications au régime pédagogique constituent un recul réel par rapport à la compréhension de nos matières auprès des parents. Vous avez voulu simplifier le bulletin, alors qu’il s’est complexifié. Dorénavant, les parents n’y voient que le résultat disciplinaire pour les matières dites « secondaires », sans explication quant à la compétence évaluée. Cela m’apparaît comme une aberration puisque qu’un élève doué pour la création ne l’est pas forcément pour l’appréciation. Ainsi, si je choisis d’évaluer au premier bulletin la compétence « Inventer des œuvres dramatiques » et que l’élève performe avec une note équivalente à 90%, ses parents risquent de se poser des questions s’il obtient ensuite un résultat équivalent à 70% pour la compétence « Apprécier des œuvres dramatiques » au second bulletin… 

 

« À vous d’écrire un commentaire justifiant la note », me direz-vous. Peut-être, mais devrai-je écrire un commentaire personnalisé pour mes 550 élèves, et ce, à chaque étape? En regroupant les compétences « Inventer » et « Interpréter » sur le plan des arts, vous avez créé un monstre d’incompréhension. Au fond, vu ce non-sens, vous préférez sans doute que toutes les compétences soient évaluées à toutes les étapes afin qu’il y ait moins de fluctuations d’une étape à l’autre. Mais réalisez-vous la charge de travail que cela représente? Ce que les parents et les enseignants exigeaient, c’était une véritable réforme de l’éducation et non pas du réchauffé camouflé.

 

Sur le plan des suggestions, en voici quelques unes :

 

-          Il faut un véritable bulletin unique à l’échelle de la province. Nous ne voulons plus des tables de conversion des résultats en lettres en pourcentage, qui peuvent différer d’une école à l’autre.

 

-          Favoriser l’accès rapide à un poste et une permanence pour assurer la sécurité d’emploi des nouveaux enseignants spécialistes.


-          Obliger les commissions scolaires à ne plus considérer les locaux de spécialistes comme des locaux vides (qui peuvent être comblés par des nouvelles classes avec titulaires).

 

-          Favoriser l’enseignement dans un minimum d’établissements différents, en jumelant des écoles dont l’arrimage des pourcentages de tâche s’approche le plus possible d’une tâche pleine.

 

-          Protéger les champs d’enseignement de tous les spécialistes.

 

Si un jour, le peuple québécois s’entend pour dire que les enseignants spécialistes n’ont plus leur place en éducation, alors je changerai de métier. J’assumerai la décision d’une nation que j’aime et je retournerai sur les bancs d’école en tant qu’étudiant. Mais pour l’instant, je refuse de laisser notre situation s’envenimer sans rien dire. Au nom des enfants à qui nous demandons trop souvent de le faire, je refuse de me taire.

 

 

 

Dans l’attente de vos réponses,

 

 

 

Guillaume Normandeau

 

Enseignant en art dramatique à l’école de la Mosaïque

 

De la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys